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Coopération décentralisée : « Les Chefs traditionnels réussissent à mobiliser les diasporas »

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Tel est le résultat de la recherche du Dr Sandrine Ouatedem Sonfack, sur le projet intitulé : « Les Chefs traditionnels dans la Coopération décentralisée : un exemple camerounais ». Le document vient d’être publié dans la Revue Africaine des Réflexions Juridiques et Politiques, Vol 3, N° 12, de Décembre 2024. La chercheure en Droit s’exprime sur ses motivations, ambitions et propositions aux Etats, dans un entretien exclusif accordé à la rédaction de Cameroun-Jumelages-Partenariats.cm

Dr Sandrine Ouatedem Sonfack, Merci pour votre disponibilité. Vous venez de rendre public votre travail de recherche sur « Les Chefs traditionnels dans la Coopération décentralisée : un exemple camerounais ». Quelle est la motivation à ce projet ?

La motivation à ce travail de recherche découle d’abord d’un constat en observant la dynamique des Chefs traditionnels de la région de l’Ouest Cameroun, et précisément dans le département de la Menoua. Dans cette région, les Chefs traditionnels sont très impliqués dans les relations amicales avec les mairies du Nord et dans la recherche des solutions pour le développement de leurs localités, notamment avec les diasporas, à titre d’exemple. Ce constat m’a poussée à m’interroger sur la possibilité de leur reconnaitre le statut d’acteurs (en droit et en pratique) de la Coopération Décentralisée (CD) tel que défini par l’Union Européenne dans sa convention de Lomé IV, récemment remplacée par celle qu’on nomme désormais « Convention de Samoa ». L’une des innovations de cette convention de Lomé IV justement fut l’introduction de la CD. Celle-ci visait à donner le droit à une grande variété d’acteurs du développement, de participer de manière autonome à la CD.

La motivation découle ensuite de ce que, la loi du 24 Décembre 2019 portant Code général des Collectivités territoriales décentralisées (CGCTD), le statut des Chefs traditionnels a connu une évolution significative même si la question du statut de la chefferie traditionnelle n’a pas été définitivement tranchée. La question demeure donc de savoir si les chefs sont des acteurs « étatiques » ou « non étatiques » de la CD au sens de l’article 6 de l’accord de Cotonou. De plus, avec la loi N° 2004/018 fixant les règles applicables aux régions, les chefs traditionnels ont une place au sein du Conseil régional, l’organe délibérant. « Les représentants du commandement traditionnel » peuvent par exemple être consultés sur les questions liées à l’élaboration des politiques publiques relatives à la justice et l’éducation. On peut également donc s’attendre à ce que les chefs traditionnels soient consultés pour l’élaboration d’une législation qui aménage leur participation à la CD.

La motivation découle enfin de ce que, la plupart des études menées sur les chefferies traditionnelles mettent en exergue l’importance et le rôle des chefs traditionnels dans la société, mais aucune d’entre elles cependant n’évoque les chefs traditionnels dans la pratique de la CD.

Le travail de recherche a duré 02 ans, pour quel (s) résultat (s) ?

Deux chefferies traditionnelles de premier degré et une chefferie de deuxième degré ont été consultées au regard du dynamisme de leurs chefs traditionnels qui à la base, impulsent des relations de CD. Les relations d’amitié de ces chefs ont conduit notamment à la conclusion d’accords de CD entre les mairies du Sud où étaient situées les chefferies traditionnelles et les mairies du Nord. Des accords de CD entre départements ont également été conclus, notamment entre le département du Nord en France et celui de la Menoua au Cameroun. En parallèle, les chefs traditionnels réussissent à mobiliser les diasporas issues de leurs chefferies traditionnelles autour des projets de développement local dont les résultats sont mentionnés dans l’étude. Il faut noter que selon la loi camerounaise, seules les Collectivités territoriales décentralisées (Ctd) sont habilitées à conclure des jumelages et des accords de CD. Les chefs traditionnels, bien qu’étant dans ce cas d’espèce à l’initiative des partenariats de CD, ceux-ci ne peuvent pas conclure de tels accords. En reconnaissant les chefs traditionnels comme acteurs de plein droit de la CD, le gouvernement camerounais leur donnera ainsi la possibilité de réaliser de manière efficace le développement local.

Quelle est la vision de ce travail de recherche ?

Une recherche bibliographique sur les autorités traditionnelles au Cameroun montre que les études sur les chefs traditionnels ont été rarement envisagées en rapport avec la coopération décentralisée. Elles ont été menées, en revanche, en relation avec des concepts tels que la décentralisation, la démocratie, ou à travers des études de cas de certains territoires sur ces sujets précis. L’ambition de ce travail n’est pas de faire une recherche sur la coopération décentralisée, mais sur la place des chefs traditionnels dans les relations de CD et la corrélation des actions qui sont menées par ces potentiels « acteurs » pour promouvoir le développement local. De même, l’objectif de cette recherche n’est pas de comparer la dynamique des chefs traditionnels des différentes régions du Cameroun. Ce travail peut être effectué dans le cadre de développements plus importants ultérieurs.

Des recommandations ?

Tel qu’affirmé dans la seconde partie de l’étude portant sur un plaidoyer, pour que la CD réponde aux besoins des populations, à celui de participer à la vie publique locale, elle doit impliquer un large éventail d’acteurs locaux parmi lesquels les autorités traditionnelles (sans distinction de degré). Or le régime juridique de la CD au Cameroun ne fait encore aucune allusion aux autorités traditionnelles. Malgré les limites à l’action des chefs traditionnels dans la CD (limites liées à l’environnement sociopolitique et aux représentations socioculturelles), les stratégies nationales et internationales plaident pour la reconnaissance des chefs traditionnels comme des acteurs de la CD.

Au plan national, une réforme législative contribuera à redéfinir les notions de chefferie traditionnelle et de chef traditionnel, afin de lever toute équivoque quant à la nature juridique de ces institutions. Elle permettrait du même souffle, de préciser la place qu’occupent les chefs traditionnels en marge de l’appareil administratif du pays. Le corpus de normes ainsi dégagé favoriserait l’action efficace des chefs traditionnels à titre d’acteurs non étatiques ou étatiques dans les relations de CD. Il est nécessaire que le cadre législatif de la CD fasse des chefs traditionnels, des acteurs de plein droit dans ce domaine. Ceux-ci doivent se rendre à l’école de la CD et s’approprier le cadre juridique qui réglemente cette pratique.

Au plan international, s’agissant des collectivités à caractère local, souvent peu conscientes de leur potentiel et sans expérience en matière de solidarité internationale, comme le sont les chefferies, la notion de réseau présente un intérêt capital. Pour s’ouvrir à l’international, ces collectivités traditionnelles ont tout avantage à s’intégrer à un réseau d’acteurs préexistant ou à créer leur propre plateforme d’échanges et d’interactions. Au Cameroun, ce genre de groupement a déjà été observé. Il s’agit du Conseil national des chefs traditionnels du Cameroun. Et en Afrique, du Conseil panafricain des autorités traditionnelles et coutumières qui a une représentation au Cameroun.

Dr Sandrine Ouatedem Sonfack, Chercheure en Droit, Merci d’avoir répondu à nos questions

Propos recueillis par Marie Judith Ndongo

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