La 38è session ordinaire de l’Union Africaine à Addis-Abeba en Ethiopie tenue les 15 et 16 Février 2025, a été une occasion pour les associations du Bénin, de Côte d’Ivoire, du Niger, du Burkina Faso, du Sénégal et du Mali, de lancer cet appel
Constituant un cadre ambitieux et transformateur, la convention sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles en Afrique, voulue par le Réseau Alliance Droits et Santé et ses partenaires, se distingue par son évolution favorable, soulignant la nécessité d’une approche inter sectionnelle qui reconnait les inégalités systémiques qui affectent les femmes et les filles. Elle réaffirme alors un principe fondamental, selon lequel les femmes et les filles africaines ont le droit de vivre à l’abri de toute forme de violence.
« L’adoption de cette convention au Sommet de l’Union Africaine serait un signal fort. Elle marquerait l’engagement collectif des nations africaines à faire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles une priorité absolue en alignant leurs politiques nationales sur les principes énoncés. En garantissant des services accessibles et centrés sur les survivantes, cette convention répond aux besoins et droits fondamentaux, impératifs des femmes africaines, trop souvent ignorés ou minimisés. Elle reconnait également la notion de féminicide (meurtere d’une femme ou d’une fille en raison de son genre). Un enjeu de vocabulaire majeur qui permet de lutter contre l’invisibilisation des violences sexistes, et ainsi d’apporter une reconnaissance juridique et des solutions plus adaptées », peut-on lire dans le communiqué de presse à notre disposition.
L’un des points phares de cette convention est la proposition de mise en place du Comité africain pour la fin de la violence à l’égard des femmes et des filles. D’après le réseau, « Ce comité jouerait un rôle central dans la coordination, le suivi et l’évaluation des engagements des Etats membres. En étant un organe dédié à la surveillance de l’application des dispositions de la convention, il assurerait une responsabilisation accrue des gouvernements, tout en favorisant la participation active des organisations de la société civile et des mouvements féministes. Ce mécanisme garantirait une réponse durable et effective aux violences sexistes et sexuelles à travers le continent ».
Dans le cadre de son plaidoyer régional, le Réseau Alliance Droits et Santé et ses partenaires appelle donc les leaders africains à adopter et à ratifier sans tarder cette convention. Il les exhorte à traduire ces engagements en actions concrètes. Un engagement à lutter contre l’impunité des auteurs, des lois renforcées, des budgets alloués, des mécanismes de suivi efficaces, et une volonté politique constante. Mais pas seulement.
« Nous appelons également les mouvements de femmes, les organisations de la société civile et les activistes à soutenir la pression. Ce combat est le nôtre, et il ne prendra fin que lorsque chaque femme et chaque fille dans chaque coin du continent, pourra vivre en sécurité et dans la dignité », signale le réseau.
Des chiffres qui alarment
En Afrique, une femme sur trois subit des violences basées sur le genre au cours de sa vie, qu’il s’agisse de violences physiques, sexuelles, émotionnelles ou économiques. Enracinées dans des inégalités structurelles et perpétuées par des normes patriarcales, ces violences affectent démesurément les femmes et les filles en situation de vulnérabilité, déplacées, réfugiées, femmes en situation de handicap ou issues de groupes marginalisés.
Au Bénin par exemple, 69% de femmes ont déclaré avoir subi des violences au moins une fois de leur vie, tandis que 86% ont été victimes de violences verbales ou psychologiques. Au Burkina Faso, 44% des femmes mariées l’ont été avant l’âge de 18 ans, et plus de 9800 cas de violences basées sur le genre ont été signalés en 2021. Au Niger, le mariage d’enfants demeure une pratique courante. Près de 25% des femmes étaient déjà mariées avant l’âge de 15 ans. Et puis en Côte d’Ivoire, le Programme National de Lutte contre les VBG faisait état de 8782 cas de VBG rapportés et pris en charge en 2023, 1067 cas de viols, 6717 cas de violences domestiques, 154 cas de VBG sur les personnes en situation de handicap.
L’avenir de l’Afrique repose donc pour le réseau, sur une capacité de ses nations à protéger leurs citoyennes les plus vulnérables. En adoptant cette convention, les dirigeants africains peuvent poser un jalon historique vers une égalité véritable et une société libérée de violences sexistes et sexuelles.
Marie Judith Ndongo