Plus que six mois et le Règlement de l’Union Européenne sur la déforestation importée (RDUE) entre en vigueur au Cameroun. Le sujet suscite de vifs débats au sein de la société civile et des représentants des producteurs. Alors que certains y voient une opportunité de minimiser la destruction des forêts et de préserver les valeurs culturelles, d’autres expriment des inquiétudes relatives à l’avenir des petits producteurs
En première ligne de la défense des droits et des intérêts des citoyens, les organisations de la société civile se positionnent quelque peu différemment face au Règlement de l’Union Européenne sur la déforestation importée (RDUE). Pour certaines comme Terre et Développement Durable (TDD), le RDUE est un outil dont il faut se saisir.
« Il faut un groupe RDUE Cameroun, qui va s’approprier du Règlement et mettre en place une campagne de sensibilisation autour de cette initiative. Si nous amenons les entreprises et les communautés à se conformer, ce serait un grand bien », propose Pierre Hervé Madougou, représentant de TDD.
L’Association des jeunes autochtones du Cameroun salue également la décision de l’UE, qui vient renforcer les combats pour la préservation des droits fondamentaux de ces peuples dit vulnérables.
« Nous sommes attachés à notre mode de vie et nous sommes dépendants de nos forêts et de nos terres. Nous pensons donc que le RDUE va davantage favoriser la conservation de notre milieu de vie », s’en réjouit Lerys Nyangono, président de l’Ajac.
Cependant, d’autres organisations qui œuvrent pour l’inclusion sociale et la lutte contre les inégalités, s’inquiètent de la place du petit producteur et de son avenir, après application du Règlement. C’est le cas de la Confédération nationale des producteurs de cacao du Cameroun (Conaprocam), qui lutte contre la pauvreté à travers l’amélioration des revenus des producteurs.
« Aujourd’hui, on parle d’exigences sans évoquer les mesures de compensation pour ces populations qui vivent pour la majorité en zone rurale et forestière. Il faudrait vraiment un accompagnement dans la mise en conformité. Etant donné que les mesures sont répressives, on craint que les producteurs ne veuillent plus allers dans les plantations. Se rend-on compte de la charge de travail qu’on donne à notre cible ? Le RDUE est peut-être la bienvenue, mais vient-il résoudre tous nos problèmes ? », s’interroge Gérardine Sonkoue, Directrice de la confédération.
Celestin Tina de Coded, renchérie la préoccupation.
« Qui paye la note de conformité ? Est-ce les entreprises qui amènent les petits producteurs à se conformer ou les petits producteurs eux-mêmes ? Nous devons mener une réflexion profonde sur la question afin d’identifier les responsabilités. Si ce sont les entreprises qui payent, comment nous autres, membres de la société civile, allons-nous les amener à le faire ? Et si ce sont les petits producteurs, quel discours leur tenir pour les convaincre de ce que cet instrument leur est bénéfique ? », relève-t-il.
Recommandations et défis
L’atelier sur la mise en application du RDUE, organisé par le centre pour l’environnement et le développement, en partenariat avec les Ong Fern et Earth Sight a pris fin le 18 Juillet 2025, laissant derrière lui un ensemble de recommandations cruciales pour les organisations de la société civile et les communautés. Il s’agit entre autres de :
- Sensibiliser et informer les producteurs de cacao et palmier à huile, ainsi que les autres acteurs comme les coxeurs sur le RDUE et ses impacts ;
- Renforcer la structuration des acteurs et la sensibilisation sur les questions d’accès à la terre, les moyens de négociation, de diligence raisonnée ;
- Créer des mécanismes et es incitations juridiques pour alléger ce formalisme en matière de diligence raisonnée ;
- Mettre à niveau les petits producteurs vers les filières bio et certifiées ;
- Raccourcir la chaîne de valeur. C’est-à-dire réduire les intermédiaires, notamment les coxeurs qui, paradoxalement, ne sont pas pris en compte dans la chaîne de traçabilité des produits ;
- Faire avancer la réforme foncière pour que chaque producteur puisse disposer de titres liés à leur tenure foncière ;
- Renforcer les droits fonciers des peuples autochtones, des femmes et des jeunes ;
- Intégrer à terme les produits de substitution aux importations de l’UE. Ce qui permettrait d’améliorer les politiques publiques pour s’arrimer aux engagements souscrits par le Cameroun au niveau international.
La liste n’est pas exhaustive.
Le RDUE représente donc un défi majeur pour les organisations de la société civile et les représentants des producteurs, mais il offre également une opportunité de renforcer la durabilité des chaînes d’approvisionnement et de lutter contre la déforestation. En adoptant les recommandations formulées à l’issue de l’atelier du 18 Juillet 2025, ces acteurs peuvent contribuer à un avenir durable et plus responsable.
Marie Judith Ndongo











